mercredi 29 février 2012

Personnalisé

Il y a dans cette ville une personne qui ne doit pas confondre ses bacs à poubelle avec ceux de ses voisins.


mardi 28 février 2012

Vive la copie

Lors de ma dernière visite au Chili, je suis tombée en arrêt devant la vitrine d'une boutique de chaussures: des Robeez! (Si vous avez de jeunes enfants, il est peu probable que vous ne connaissiez pas ces chaussures en cuir souple qui ont révolutionné les pieds des bébés. Devenues très populaires en Europe et aux Etats-Unis, elles étaient encore inconnues en Amérique du Sud il y a un an.)

Je regarde de plus près: non, ce ne sont pas des Robeez, ni aucune des autres marques de ma connaissance qui ont fleuri à sa suite (certaines revendiquent l'antériorité). Ce sont des Kuggz, 100% chiliennes.



Non seulement la fameuse forme qui ne s'échappe pas du pied y est, je reconnais aussi carrément des designs que j'ai achetés à mes mouflets dans le catalogue de la maison sus-mentionnée; et jusqu'au style du logo.

Est-ce que ça me choque? Pas le moins du monde.

Avant eux, il n'y avait pas de chaussons de cuir souple qui tiennent aux pieds au Chili. Et croyez-moi, c'est un manque. Si vous en vouliez, il fallait les commander au Canada. Tarif pays riche, plus frais de port. Ceux-ci sont à moins de 10.000 pesos, soit environ 15 euros, tout à fait abordable. Et ils ont créé du travail pour des Chiliens, qui n'est même pas du travail piqué aux Canadiens puisqu'ils n'avaient guère de chances de vendre sur ce marché.

Mais les avantages sociaux et écologiques ne sont pas tout. La copie, c'est aussi bon pour la créativité. Paradoxe? Johanna Blakley explique ici que l'industrie de la mode est aussi vivante parce qu'elle n'a pas de copyright. Entre autres bénéfices, l'absence de protection pousse les designers à se surpasser, et accélère et approfondit le cycle d'innovation. Impossible de se reposer sur ses lauriers, en d'autres termes.


Et de la copie, au sud du monde, j'en ai vu. Des pubs de lingerie pompées sur les leçons de séduction d'Aubade, aux petits fromages industriels aux noms d'AOC françaises. Même moi je me suis fait pomper. J'avais lancé une campagne en faveur de l'ouverture du mariage aux couples homos, avec le slogan "Yo no me caso hasta que todos puedan" ("Je ne me marie pas jusqu'à ce que tout le monde le puisse"):


Et regardez ce que ça a donné quelques mois plus tard, chez une enseigne de prêt-à-porter: "Nous ne nous marions pas jusqu'à ce que tout le monde le puisse".


Clin d'œil ou appropriation sans vergogne? Moi: très fière, et heureuse qu'une idée à laquelle je crois soit plus diffusée.

Ceux qui ne veulent imiter personne ne créent jamais rien.
Salvador Dalí

lundi 27 février 2012

Rencontre

Je marche dans la rue, je passe derrière un abribus, et tout d'un coup, à travers la vitre, je vois un carnet de croquis ouvert sur un dessin absolument saisissant. C'est un paysage urbain: celui qui s'étale devant nous, ces beaux immeubles bourgeois de la place de Tourny, et l'entrelacs compliqué de leurs détails riches avec les passants, les enseignes, les voitures, les panneaux. Une main y ajoute un trait d'encre et un autre. Il faut que je la connaisse.

J'ai le plaisir de vous présenter Ekaterina Vasilchenko, étudiante en management d'art et en sciences politiques, venue de Russie apprendre le français. ...Et dessiner, rien que pour le plaisir, me dit-elle.





vendredi 24 février 2012

Les pictogrammes, c'est pour les cracks

Heureusement que je me suis téléchargé les instructions de la Ville de Bordeaux sur le recyclage des déchets. Quel emballage va dans quel bac, tout est .

Heureusement, parce que moi qui suis un peu bébête, je ne comprends pas ce que veulent dire les petits pictogrammes que Carrefour Bio a mis sur les paquets pour me guider.


Celui-ci par exemple, à votre avis, ça veut dire: "Ne jetez pas le papier d'alu du chocolat dans le bac vert, seulement le carton"? Ou: "Dépliez le carton avant de le jeter"?


Et celui-ci? "Jetez le couvercle et le pot de verre dans le bac de recyclage"? Ah bon, parce que si c'est comme ça, on va se faire gronder: dans ma commune pour le moins, le verre se jette dans un bac spécial.

J'ai une héroïne aux États-Unis, elle s'appelle Kathryn Schulz et elle a écrit un livre qui s'appelle Being Wrong ("Se tromper"). À propos de quoi, elle raconte ici comment ce panneau routier indicateur d'une aire de pique-nique lui a fait l'effet pendant des kilomètres d'être un obscur idéogramme chinois.



Les pictogrammes, c'est utile pour donner une indication visible de loin et/ou avec peu de temps, comme en voiture. Mais pour qu'ils marchent, il faut les connaître par cœur, donc c'est un peu pour ça qu'on apprend son code.

Alors que si on a envie de savoir où jeter un emballage, on doit normalement pouvoir le regarder de près et en plus de trois secondes. Le mode pictogramme devient superflu, et au vu de la complexité de la chose, contre-productif. En fait, pour faire passer des informations un petit peu détaillées ou nuancées, on n'a encore rien trouvé de mieux que le langage verbal.

Comme ici, chez Bjorg, avec quelques ornements stylistiques mais une conclusion sans appel:


Ou mieux encore, sur ce pot de peinture Luxens: "acier recyclable".


En deux mots, ça me dit où je jette, mais aussi en quoi c'est fait, ce qui peut être très utile si par hasard ma commune a, ou acquiert, un circuit particulier pour le recyclage de cette matière.


Le petit dessin au dessus, avec son chouette aimant en fer à cheval qui plaît beaucoup à mon fils, m'aurait laissée fort amusée mais les bras ballants, j'avoue.

jeudi 23 février 2012

Clôture brute

J'aime bien la clôture du Jardin Botanique de la Bastide, à Bordeaux, faite de grosses planches de bois brut empilées.



mardi 21 février 2012

Buanderie

En Espagne, les immeubles ont des étendoirs à linge installés dans les cours intérieures. J'ai connu deux modèles:
  • Le balcon-buanderie:

  • Et la corde à coulisse:




Eh bien, c'est bien pratique. Et pas du tout dangereux, contrairement à ce que m'ont demandé nombre de visiteurs français.

En France, un espace dédié au linge, et particulièrement à son séchage, semble optionnel, plutôt réservé aux grandes maisons... comme si laver le linge n'était pas une nécessité de base. Le mot buanderie fait château ou grand hôtel. On met la machine à laver dans un placard, dans la salle de bain, souvent même dans la cuisine, ce qui est assez bizarre si on y pense deux secondes. Le panier de linge sale, du coup, ne se trouve pas forcément juste à côté. Quant au séchage, on le fait:
  • à la machine —gourmande en électricité, use les textiles
  • au-dessus de la baignoire —la belle idée d'aller mettre quelque chose à sécher dans la pièce la plus humide de la maison, surtout que souvent, elle n'a même pas de fenêtre!
  • sur un étendoir pliable qu'on va disposer dans un coin de l'appartement —et être gêné de recevoir du monde pendant ce temps...
Les trois formats sont au demeurant tout à fait inadaptés aux draps.

Certaines mauvaises langues européennes vous diront que cette carence colle bien avec la réputation de manque d'hygiène des Français, et qu'elle rejoint en cela les toilettes isolées de la salle de bain et sans lave-mains. C'est un peu fâcheux, comme réputation, il faut avouer. Encore pire si elle était vraie.

Mais concevoir un immeuble d'habitation sans prendre en compte la nécessité de blanchissage, c'est faire comme si elle n'existait pas, donc inviter les usagers à la délaisser, ou les obliger à recourir à des systèmes sous-rentables. Quand l'espace est réduit, c'est aux mètres carrés "de luxe" qu'il faut faire la chasse. Les pièces techniques, celles qui permettent la préparation des repas, l'hygiène personnelle et l'entretien, devraient au contraire faire l'objet d'un soin particulier pour qu'elles ne soient en rien sacrifiées, mais facilitées au maximum.

lundi 20 février 2012

Facebook Timeline

Il est vraiment hideux, ce nouveau look de Facebook, Timeline. Et pas clair, fouillis. Je ne sais pas ce qui leur a pris, eux qui avaient réussi une interface si limpide, de la fiche en l'air comme ça.

Et puis, leur argument d'accéder facilement à tout l'historique du compte, il ne tient pas du tout. Il y a ceux que le concept a horrifiés, ceux —comme moi— à qui ça plaisait plutôt, mais en fait la question ne se pose même pas: votre historique, avec ce nouveau système, si quelqu'un veut le déterrer, il va devoir se lever de bonne heure. Il va tomber sur des trucs au hasard, ou choisis par un algorithme à la noix, et pas sur une liste exhaustive.

J'ai écrit un poème il y a quelques années, qui consistait en un vers chaque jour dans mon statut de Facebook. Une petite expérience rigolote. J'ai essayé de le retrouver avec le nouveau système, eh bien je n'ai pas pu. Je retourne vers les dates où je l'ai publié, ça me sort des machins dans tous les sens, ça clignote, enfin c'est n'importe quoi. Une liste chronologique de tous les statuts aurait parfaitement fait l'affaire, mais non, il a fallu qu'ils soient plus malins.

Et le jour de mon anniversaire, quand plein d'amis sont venus poster sur mon mur, j'arrivais à leur répondre si j'arrivais tout de suite après. Si je traînais un peu plus, leurs posts passaient automatiquement  sur un tableau spécial, et alors là bonjour pour leur écrire une réponse. C'est quoi ce truc qui veut penser à votre place?



La meilleure époque de Facebook, à mes yeux, ça a été quand ils ont divisé la page entre les onglets murinformation, etc. On sortait du bazar qu'était le mur à tout faire des premiers temps, mais on était encore dans un style très clair, très épuré, très lisible. Ça a commencé à être moins bien quand ils ont ajouté cette colonne à droite, qui vous répète ce que qui est déjà écrit sur votre page d'accueil, et qui bondit quand vous avez la maladresse de passer votre souris dessus.

Indépendamment de ce qu'on pense du look, —ou de la manie de penser à votre place—, je ne suis pas sûre que cette nouvelle interface soit une excellente stratégie pour gagner de nouveaux adhérents. C'est devenu si peu intuitif que ça devrait rebuter les personnes qui viendraient prendre un premier contact.

vendredi 17 février 2012

Gratitude

La première fois que j'ai ressenti de la gratitude pour un design bien pensé, c'était il y a 23 ans, en utilisant ce radio-réveil Digicube de Sony que ma maman m'avait offert, et qui ne m'a jamais quittée.


Il avait ce petit look très sympathique. Mais il avait surtout quelque chose d'extraordinaire: des boutons qui faisaient du braille. Quelqu'un avait pensé à moi et à d'autres utilisateurs, enfouis au fond d'une couette, tendant à l'aveuglette une main pour commander à notre réveil.

Il avait pensé à ce que nous pouvions vouloir faire: chercher une station, programmer de se faire réveiller par l'alarme ou par la radio, régler la luminosité, commander à l'appareil de s'éteindre tout seul si on s'endormait pendant Du Jour au lendemain, ou de se rallumer huit minutes après qu'on l'ait fait taire à la sonnerie du matin...

Et il avait donné à chaque bouton une forme bien différenciée pour qu'on le reconnaisse du bout des doigts: ovale pour allumer, cratère pour éteindre, gros poussoir pour repousser le réveil... Il avait mis sur le dessus les boutons qui s'enfoncent, et sur les côtés, des roues et des curseurs que l'on pouvait bouger tout en maintenant l'appareil en place du reste de la main.







J'étais saisie par la différence avec d'autres radios-réveils que j'avais maniés, et qui avaient leurs commandes disposées selon des critères esthétiques ou simplement au petit bonheur, et qui n'avaient pas la générosité de s'adapter ainsi à l'usage qu'on en ferait. Le comble, c'était qu'il arrivait aussi à être plus joli.

J'avais onze ans, et j'ai compris qu'un designer a le pouvoir de rendre beaucoup de services, —ou pas.

jeudi 16 février 2012

Discret subversif

Christian Blachas, le fondateur et présentateur de la mythique émission Culture Pub, est mort le 5 février, et ça fait un coup pour tous ceux qui, comme moi, la suivaient avec passion depuis des décennies.

La pub télé, il nous a permis de profiter de ce qu'elle avait de génial —sa merveilleuse créativité, et tout ce qu'elle enseigne sur la société—, en nous installant dans une position d'observateur et non plus de cible.

Christian Blachas, par Christophe Clerici


La Culture Pub de dimanche dernier lui était consacrée. On y trouve un récapitulatif intéressant de sa vie, mais je la retiendrai aussi pour le franc-parler d'Anne Magnien, la co-fondatrice de l'émission. La télé, dit-elle, n'a jamais été l'endroit de la liberté d'expression ni de la subversion. Et non, malgré ce que semble croire une Charlotte Bricard encore un peu hagarde, les femmes à la télé n'ont hélas jamais perdu leur rôle de potiches...

C'est beau d'avoir des lieux où l'on parle librement de pub au nez des annonceurs, de télé au nez de la télé, et de tout ce qu'on veut au nez de ceux qui peuvent vous couper les vivres. L'expérience de Christian Blachas nous dit: ils ne le feront pas, pourvu que vous leur teniez tête avec ténacité et brio.

jeudi 9 février 2012

Petits dessins

Plus d'un lecteur m'a déjà confié que ce qu'il aime dans ce blog, ce sont mes petits dessins.
Or en ce moment, mes petits dessins, je les garde pour moi! Tous mes projets sont en développement! Top secret!

Alors j'ai pensé à eux quand je suis tombée sur le site de la designer Ionna Vautrin. Un site très beau et intuitif, sans autre prétention que la perfection. Et pour presque chaque création présentée, un ou plusieurs petits dessins, apparemment issus des carnets de la créatrice, et dans un style charmant: un peu naïf, fonctionnel, bien loin du rough virtuose qu'on voit dans tous les portfolios. En voici un florilège:

Donges, par Ionna Vautrin

Pour ma retraite, par Ionna Vautrin

Fabbrica del vapore, par Ionna Vautrin

Rétroviseur domestique, par Ionna Vautrin

Puisque nous sommes dans les dessins, j'ai une autre petite perle pour vous. Mon ex-mari, l'écrivain Gonzalo Garcés, est connu pour ses romans, mais bien peu connaissent son talent de caricaturiste. Voici votre blogueuse, croquée dans ce qui doit rester à ce jour son portrait le plus ressemblant, photos comprises.

Bonnie, par Gonzalo Garcés

jeudi 2 février 2012

Révolution demandée

La semaine dernière, le New York Times a publié un long article au sujet des conditions de travail consternantes observées dans les usines chinoises qui fournissent Apple, dont la principale est celle de Foxconn à Shenzhen.
"Nous nous efforçons vraiment d'améliorer les choses, nous a dit un ancien cadre chez Apple, mais la plupart des gens seraient quand même horrifiés s'ils voyaient d'où vient leur iPhone"
Quatre morts et des centaines de blessés dans deux explosions causées par la poussière d'aluminium dans des locaux mal ventilés. Des journées routinières de dix heures, six jours sur sept. Des heures supplémentaires forcées qu'on oublie même de payer, des salaires retenus par punition. Des travailleurs mineurs, exposés à des produits toxiques, entassés dans des dortoirs où l'on met des filets aux escaliers pour empêcher les suicides... voilà quelques uns des détails dont nous informe l'article.

Photograph by Mike Clarke/AFP/Getty Images.
Apple assure qu'elle attache la plus grande importance au bien-être des employés de sa chaîne de production, et a établi un cahier des charges qui demande "que les conditions de travail (...) soient sûres, que les employés soient traités avec respect et dignité, et que les procédés de fabrication soient responsables envers l'environnement".

Mais les audits qu'elle conduit année après année montrent que les fournisseurs persistent à ne pas  respecter ce cahier des charges, et les représailles promises sont rarement mises en œuvre. Il faut dire que la compagnie exige d'un autre côté des tarifs et une réactivité qui rendent impossible des telles conditions.
"La seule manière de gagner de l'argent en travaillant pour Apple est de s'arranger pour faire les choses plus vite et moins cher, nous a dit un cadre d'une entreprise qui avait participé au lancement de l'iPad. Et ensuite, ils reviennent l'année suivante et nous forcent à un rabais de 10%."
L'un des spectacles les plus acclamés de l'année dernière aux États-Unis est un one-man-show appelé The Agony And The Ecstasy Of Steve Jobs, par Mike Daisey. En voici un extrait adapté pour la radio. L'auteur y raconte comment, inconditionnel d'Apple, il s'est soudain demandé qui fabriquait ses beaux joujoux. Il s'est rendu à Shenzhen, où il a interviewé des employés de l'usine Foxconn, visité des usines en se faisant passer pour un industriel et parlé avec des membres d'organisations —secrètes— de travailleurs. Si vous avez une heure de tranquillité, je vous recommande l'écoute de ce récit fascinant.

Mike Daisey in Shenzhen, China  Photo: Ursa Watz 
Apple est loin d'être la seule entreprise à utiliser ces pratiques. Pratiquement tous les produits technologiques, le prêt-à-porter, tout est fait à la main dans des usines chinoises, ou leurs équivalents d'autres pays.

Il y a un siècle, la révolution industrielle se bâtissait sur la sueur de milliers d'Européens, enfants pour un grand nombre, qui laissaient leur santé et leur vie dans les longues heures de travail abrutissant exigées par le progrès. Est-ce la liberté des peuples émergents de soumettre une génération à ces pratiques pour gagner leur place au soleil de la prospérité?

Comme consommateurs, avons-nous une responsabilité vis à vis de ces travailleurs? Et si nous estimons que c'est le cas, avons-nous le pouvoir d'exiger des produits fabriqués dans de bonnes conditions?

C'est l'avis de l'organisation Slavery Footprint, qui pose aux visiteurs de son site la saisissante question: "Combien d'esclaves travaillent-ils pour vous?" et propose un questionnaire ludique sur vos habitudes de consommation pour calculer une réponse.

L'organisation offre également une application mobile permettant en théorie de s'informer sur les pratiques des marques, ainsi que d'envoyer à celles-ci un message manifestant votre intérêt. Mais cette application n'est pas au point, d'après les tests que j'ai faits.

En attendant, rien n'empêche de faire la même chose "manuellement". Soucieuse à l'idée d'habiller mes enfants avec des vêtements cousus par d'autres enfants, j'ai téléphoné et écrit à diverses marques de prêt-à-porter. Chez Acanthe, on n'a daigné me répondre ni par téléphone, ni par email. J'ai pris ça comme un mauvais signe, en plus d'un manque de respect, et je n'ai plus rien acheté chez eux.

Les autres m'ont répondu ce qu'un certain nombre de marques affichent sur leur site, à savoir que leur fabrication est délocalisée —en Chine, en Inde, au Bangladesh, au Maroc, en Tunisie et un long et cetera— mais que leurs fournisseurs obéissent à un cahier des charges strict en matière de conditions de travail.

On se sent rassuré à lire de telles choses, mais c'est à peu près ce qu'Apple disait. Quand l'usine est dans un pays où les travailleurs ne sont pas efficacement protégés par la loi, comme la Chine, peut-on croire que le cahier des charges est vraiment respecté?

Les marques entendent bien monter cette préoccupation chez les consommateurs, mais elles savent aussi qu'elle fait peu de poids face aux prix bas et à la nouveauté. Parier sur la responsabilité sociale représente un risque: investir dans l'amélioration de sa chaîne de production, investir en communication pour que les clients tolèrent la hausse de prix et le rythme plus lent, espérer que ça marche...

Farhad Manjoo, sur Slate, avance qu'Apple se trouve dans la position idéale pour prendre ce risque en grand, et entraîner tout le monde à sa suite. D'une part, parce qu'elle a cent milliards de dollars dans ses caisses, et d'autre part, parce que son image est un point clé de son succès.

Mais Manjoo ne s'arrête pas à une simple amélioration des conditions de travail, et demande à l'entreprise une des révolutions dont elle a le secret. Foxconn, dit-il, étudie la possibilité de robotiser une partie de sa production; le temps où les travailleurs chinois ne voudront plus de ces emplois ne saurait en effet tarder beaucoup.
"Apple serait sage d'investir dans ce futur. Quand votre iPad sera fabriqué par un robot, vous n'aurez plus à vous sentir coupable de rien."
Un rêve éveillé? Mais après tout, est-ce que Apple ne s'est pas caractérisée par la création de choses encore plus extraordinaires qu'on aurait osé l'imaginer? Est-ce que révolutionner la manufacture ne pourrait pas être sa prochaine grande innovation?

Comme le disait Steve Jobs, "les gens ne savent pas ce qu'ils veulent jusqu'à ce qu'on leur montre."