mardi 28 février 2012

Vive la copie

Lors de ma dernière visite au Chili, je suis tombée en arrêt devant la vitrine d'une boutique de chaussures: des Robeez! (Si vous avez de jeunes enfants, il est peu probable que vous ne connaissiez pas ces chaussures en cuir souple qui ont révolutionné les pieds des bébés. Devenues très populaires en Europe et aux Etats-Unis, elles étaient encore inconnues en Amérique du Sud il y a un an.)

Je regarde de plus près: non, ce ne sont pas des Robeez, ni aucune des autres marques de ma connaissance qui ont fleuri à sa suite (certaines revendiquent l'antériorité). Ce sont des Kuggz, 100% chiliennes.



Non seulement la fameuse forme qui ne s'échappe pas du pied y est, je reconnais aussi carrément des designs que j'ai achetés à mes mouflets dans le catalogue de la maison sus-mentionnée; et jusqu'au style du logo.

Est-ce que ça me choque? Pas le moins du monde.

Avant eux, il n'y avait pas de chaussons de cuir souple qui tiennent aux pieds au Chili. Et croyez-moi, c'est un manque. Si vous en vouliez, il fallait les commander au Canada. Tarif pays riche, plus frais de port. Ceux-ci sont à moins de 10.000 pesos, soit environ 15 euros, tout à fait abordable. Et ils ont créé du travail pour des Chiliens, qui n'est même pas du travail piqué aux Canadiens puisqu'ils n'avaient guère de chances de vendre sur ce marché.

Mais les avantages sociaux et écologiques ne sont pas tout. La copie, c'est aussi bon pour la créativité. Paradoxe? Johanna Blakley explique ici que l'industrie de la mode est aussi vivante parce qu'elle n'a pas de copyright. Entre autres bénéfices, l'absence de protection pousse les designers à se surpasser, et accélère et approfondit le cycle d'innovation. Impossible de se reposer sur ses lauriers, en d'autres termes.


Et de la copie, au sud du monde, j'en ai vu. Des pubs de lingerie pompées sur les leçons de séduction d'Aubade, aux petits fromages industriels aux noms d'AOC françaises. Même moi je me suis fait pomper. J'avais lancé une campagne en faveur de l'ouverture du mariage aux couples homos, avec le slogan "Yo no me caso hasta que todos puedan" ("Je ne me marie pas jusqu'à ce que tout le monde le puisse"):


Et regardez ce que ça a donné quelques mois plus tard, chez une enseigne de prêt-à-porter: "Nous ne nous marions pas jusqu'à ce que tout le monde le puisse".


Clin d'œil ou appropriation sans vergogne? Moi: très fière, et heureuse qu'une idée à laquelle je crois soit plus diffusée.

Ceux qui ne veulent imiter personne ne créent jamais rien.
Salvador Dalí

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