jeudi 29 décembre 2011

Impact minimal

Les hôtels de front de mer, en général, ce n'est pas très discret. Sous prétexte d'offrir le plus possible de vue sur les flots, ils gâchent la vue sur la côte.

L'hôtel Altiplánico, où je viens de séjourner, en Patagonie, réussit au contraire à se fondre dans le paysage au point qu'on ne le distingue que de près.


Le bâtiment est encastré dans le flanc de la colline, ses toits sont couverts de prairie.


Ses façades sont tapissées de "briques" de terre crue directement coupées du sol avec leur herbe encore dessus. Une technique utilisée, paraît-il, par les anciens colons.


Il n'y a donc guère que les baies vitrées des chambres et des salons comme élément "étranger" à la nature environnante. (Les rectangles aux motifs géométriques sont les fenêtres des salles de bain.)


L'hôtel comporte trois étages, desservis par un couloir en pente: deux longues lignes de chambres et au-dessus, la réception, avec restaurant, salon et boutique.



Tout cela produit un effet d'impact visuel minimal sur le paysage sauvage du lieu. Mais l'inverse est vrai aussi: à cet endroit, le climat est rude, et le vent en particulier souffle très fort. Grâce à cette architecture qui ne fait émerger que les baies vitrées, à l'intérieur on jouit de la vue sans rien sentir des rafales ni du froid... pour une facture énergétique réduite.



Le tout est complété par une décoration sobre, basée sur le béton brut, le métal rouillé, le verre coloré, et des matières locales comme l'ardoise, le bois de ciprès et la peau de mouton.

Altiplánico est une petite chaîne de quatre hôtels situés dans les sites naturels les plus remarquables du Chili: la Patagonie, le désert d'Atacama, l'Ile de Pâques et la vallée du Maipo. Chacune des constructions est particulière et basée sur le même principe d'harmonie maximale avec son environnement. Remarquablement, les architectes et décorateurs ne sont autres que les propriétaires, le ménage Maite Susaeta et Juan d'Etigny, qui ne sont pas connus pour des réalisations antérieures et qui ont créé le premier hôtel —celui d'Atacama— en l'an 2000 à partir de leur propre désir d'un lieu pour profiter pleinement du silence et de la beauté du désert.

Dans le même pays, mais à l'opposé de ces préoccupations, voici le complexe touristique San Alfonso del Mar, non loin de Valparaíso. Je vous le montre sans hargne, il a été construit par mes ex-beaux-parents, des gens que j'aime beaucoup et qui y ont mis des trésors de créativité. Ils ont par exemple inventé, l'océan Pacifique étant impropre à la baignade à cet endroit, cette piscine géante qui figure aujourd'hui au livre des records, ...quoique au nom du promoteur.



Marques, Garcés & Asociados n'a jamais eu l'écologie très présente à l'esprit —ce n'était pas de leur génération—, mais par contre, ils avaient une grande préoccupation esthétique. Oui, ça paraît difficile à croire. Comment des architectes esthètes peuvent construire un ensemble aussi disgracieux me paraît une leçon intéressante à méditer.

Il y a d'abord eu le promoteur (le même qui s'est attribué la piscine). Vous voyez le bâtiment du milieu sur la pointe, le plus petit, le seul qui a une forme régulière? C'est le dessin original, tous les bâtiments étaient censés être comme ça. Mais après sa construction, ce monsieur a décidé qu'il fallait toujours plus d'appartements pour le minimum d'argent, et exigé des transformations de plus en plus radicales. Je suis témoin du dégoût avec lequel elles ont été exécutées.

Et puis, il y a quelque chose qui va plus loin. Car vous me direz: même le petit triangle, ce n'était pas franchement beau. Je crois que c'est un certain aveuglement qu'on peut avoir sur sa propre création. On est content d'avoir une commande, on a de bonnes idées pour répondre aux contraintes, on est emballé. Et parfois, on n'a pas envie de voir tout l'impact qu'on va provoquer.

2 commentaires:

  1. Que c'est beau cet hôtel Altiplanico ! Ca me donne des idées...

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  2. Je ne suis pas convaincu que l'écologie soit la plus proche cousine de "l'environnementalisme", d'autant que l'esthétisme est une notion nécessairement (et historiquement) subjective.
    C'est un très long (et probablement fastidieux) débat qui ne sera jamais tranché sinon que les années à venir et le combat que devront mener les générations futures pour jouir d'une aussi grande bio-diversité que celle que nous connaissons mesureront quelles réalisations ont pu générer l'impact le moins négatif sur les "équilibres" naturels et socio-économiques.

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